Elfes, Nains, Hobbits, Humains… : Les personnages de Tolkien ont-ils une couleur de peau ?

10 Octobre 2022

Écrit par Jérémie | Édité et traduit par Léa et Isabelle

Crédit photo : série « Les anneaux de pouvoir »

ARTICLE

Voilà presqu’un mois que la très attendue série dérivée de l’univers du Seigneur des Anneaux, intitulée Les Anneaux de Pouvoir, est arrivée sur nos petits écrans. Un mois seulement de diffusion, mais bien plus de polémiques et de contestations de la part d’une assemblée de « fans » qui, sous couvert de “purisme” (terme incertain, qui ressemble ici plutôt à un zèle décérébré) vis-à-vis de Saintes écritures lues et vues comme tel, a fait le jeu d’une vision raciste de l’art et de la société. Sont mis en cause les choix de casting inclusifs de la série Amazon Prime : des personnages des Anneaux de Pouvoir sont interprétés par des acteurs.rices de couleur, notamment une princesse Naine (Disa, jouée par Sophia Nomvete), un Piévelu (Sadoc, interprété par Lenny Henry) et un guerrier Elfe (Arondir, joué par Ismael Cruz Cordova).

Nous disons bien « a fait le jeu d’une vision raciste », car il s’agit moins là d’accuser de racisme la totalité des amoureux.ses de Tolkien nourris aux Elfes pâles et aux longs cheveux blonds et n’en imaginant pas qui pourraient avoir une autre apparence, que d’essayer de comprendre pourquoi leur réaction participe, et souvent involontairement, à une vision raciste et polarisée de la société. Or, cette vision l’inverse des valeurs présentes dans l’œuvre de Tolkien, à savoir les rencontres et le partage entre les peuples. Nous pourrions rappeler simplement que Tolkien est né en Afrique du Sud, et que l’une des ses phrases les plus célèbres, prononcée dans un discours d’adieux à Oxford, est « j’ai la haine de l’Apartheid dans mes os », pour justifier du fait qu’il était opposé ouvertement au racisme, mais ce serait réduire à un fait une réalité plus vaste. Si Amazon a fait ce choix noble d’inclusivité, c’est bien parce que Tolkien n’est pas un auteur de Fantasy comme les autres. Il est celui qui a défini les codes narratifs et esthétiques du genre. En d’autres termes, questionner Tolkien, c’est questionner la Fantasy, et réinventer Tolkien, c’est réinventer la Fantasy. Mais questionner et réinventer, est-ce trahir ? Est-ce trahir Tolkien que de rendre sa palette de personnages plus inclusives ? Cette question revient en fait à se demander si la forme est consubstantielle du fond, si changer des éléments de la forme engendre une modification du propos intrinsèque d’une œuvre.

Spoiler : la réponse est, à notre humble avis, non. Faire du casting des Anneaux de Pouvoir un casting plus inclusif que ne l’est à priori le texte de Tolkien ne modifie pas pour autant la substantifique moelle de ce dernier, au contraire, c’est aller en quelque sorte dans son sens. La notion de race chez Tolkien n’a jamais été une affaire de couleur de peau ou de longueur de cheveux, mais avant tout une question de sensibilité et corruptibilité face aux forces du mal, forces du mal qui sont les mêmes pour toutes et tous. Nains, Elfes, Hobbits, Hommes sont des créatures peuplant la Terre du Milieu, ils n’ont pas de couleur de peau les définissant, mais des modes de vie et de pensée manquant chacun d’un ou plusieurs attributs propres à ceux des autres peuples. Et ce que raconte Le Seigneur des Anneaux, et ce que racontent jusqu’ici Les Anneaux de Pouvoir, c’est la rencontre entre tous ces peuples pour que chacun d’eux découvre en réalité ce qui lui manque. C’est là l’universalité du mythe Tolkiennien, qu’un casting inclusif ne pouvait en réalité que renforcer.

NOTES 

[1] Note 1

[2] Note 2

BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE


Elves, dwarves, hobbits, humans and so on : do Tolkien’s characters have a specific skin color?

October 2022

Written by Jérémie | Edited and translated by Léa

Credit photo : serie « The Rings of Power« 

ARTICLE

Only one month after The Lord of the Rings: The Rings of Power release on Amazon Prime, many controversial discussions and debates can be heard among The Lord of The Rings universe fans. Indeed, some of them question the racial inclusion among the series cast. This seems to come from a place of ‘’purism’’ (a vague term that seems to be more of a brainless zeal here) concerning what the fans read as Holy Scriptures. Read as such, it played into a racist vision of art and society. Forsooth, some of The Rings of Power characters are persons of color: a dwarf princess (Disa, played by actress Sophia Nomvete), a harfoot (Sadoc, played by Lenny Henry) and a Silvan Elf (Arondir, played by Ismael Cruz Cordova).

I did write ‘played into a racist vision of art and society’ because I am not accusing the Tolkien’s universe enthusiasts of racism but I am trying to point out the fact that they grew up with the image of the pale, long silver haired elf, which explains why the evolving, more varied image can disturb them. Yet, acting upon this ‘disturbance’ participates (often unintentionally) in a racist and polarized vision of society. Tolkien himself, born in South Africa, uttered ‘I have the hatred of apartheid in my bones’ during his Valedictory Adress to the University of Oxford in 1959.

The fact that Amazon Prime decided to include racial diversity in the series is because J.R. Tolkien is not any fantasy writer. He is the one who established the narrative and aesthetic rules of the genre. In other words, to question Tolkien is to question Fantasy, and to reinvent Tolkien is to reinvent Fantasy. But is questioning and reinventing betraying? Is it betraying Tolkien to make his character palette more inclusive? This question comes down to asking whether the form is consubstantial with the content, whether changing elements of the form generates a modification of the intrinsic purpose of a work.

Spoiler: in our humble opinion, the answer is no. Making the cast of The Rings of Power a more inclusive one compared to Tolkien’s book does not have a consequence on the very substance of Tolkien’s message. Actually, it supports it. The notion of race in Tolkien’s work has never been a matter of skin color or hair length, but above all a question of sensitivity and corruptibility when facing the forces of evil, which are the same for everyone. Dwarves, elves, hobbits and humans are creatures living in Middle-Earth. They are not defined by their skin-color but by their lifestyles and ways of thinking. The moral of this being that the different peoples, in a way, complete one another. What The Lord of the Rings and The Rings of Power tell is that the encounter of all these peoples helps them all to understand what they lack as individual peoples. That is the universality of Tolkien’s myth, which an inclusive cast can only reinforce.

NOTES 

[1] Note 1

[2] Note 2

BIBLIOGRAPHY AND SITOGRAPHY

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