DÉFINITIONS FÉMINISME

Sur cette page, vous trouverez des définitions de concepts ou idées lié.es à la lutte féministe. Les définitions écrites sont de nous. Sinon, vous verrez des liens externes vers d’autres sites qui proposent de bonnes définitions de ces sujets.

Concept de genre / Genre

Par Emma L

Le mot “genre” n’est pas nouveau mais le concept tel qu’on l’entend aujourd’hui dans les études de genre est beaucoup plus récent. Ce sens du mot apparaît dans les années 1930 aux Etats-Unis. Simone de Beauvoir pense le genre sans le nommer dans Le Deuxième Sexe en 1949 lorsqu’elle écrit : « on ne naît pas femme, on le devient ». Le mot est emprunté au latin genus, generis, qui signifie “sorte”, “type”, “manière”, “race” et “nation”. Il apparaît en ancien français au XIIème siècle dans sa version gendre, pour dire “genre”, “type” mais aussi “sexe”. Le sens de sexe social que l’on retrouve aujourd’hui n’est donc pas abusif puisqu’il est une réactivation de l’ancien français. Il y a bien, jusqu’au XIXème siècle au moins, une persistance du mot genre en français au sens de sexe. Cependant, c’est par l’anglais que le mot revient en français. Le terme gender prend un essor particulier au XXème siècle. C’est le moment où se développe le sens sociologique du mot genre. Ce sens vient des travaux des sciences humaines et définit le genre en tant que construction sociale. Il est attesté dès 1945 dans les milieux de la sociologie et permet d’étudier les dynamiques de pouvoir au prisme de la binarité homme/femme. Il a une fortune croissante depuis, notamment dans le champ de la psychologie clinique. Par exemple, le genre est utilisé à des fins normatives dans une approche pathologisante des personnes dites “hermaphrodites” à l’époque. C’est donc un concept qui naît dans les sciences sociales, dans l’anthropologie, la sociologie et les sciences médicales à des fins normatives, et qui est récupéré à des fins d’émancipation par les féministes et les luttes LGBTQIA+. Etant donnée la diversité des racines du concept de genre, c’est un outil qui regroupe et abrite diverses analyses.

Plusieurs penseur⋅euse⋅s participent à la conceptualisation du terme genre. Dans Sex, Gender and Society, en 1972, la féministe britannique Ann Oakley précise la dualité entre sexe et genre dans une visée critique. Le gender est construit donc il peut être déconstruit. En 1986, l’historienne américaine Joan Scott écrit l’article « Gender : A Useful Category of Historical Analysis ». Elle place les relations homme/femme et le rapport symbolique masculin/féminin au cœur du questionnement historique. Christine Delphy, féministe d’obédience matérialiste (dans la lignée du marxisme), publie Penser le genre : problèmes et résistances en 1998. Elle y établit l’antériorité du genre sur le sexe, ce qui signifie que notre acception du sexe est genrée. Le genre est un outil de l’hégémonie masculine, sexiste et hétéro-patriarcale, qui utilise le sexe comme marqueur et argument dit “naturel” pour justifier des inégalités et des formes de domination.

Quel sens donner au terme aujourd’hui ? :

  • Le premier historiquement, qui persiste : équivalent social du sexe dit “biologique”
  • Le genre est le système qui produit une bipartition hiérarchisée entre homme et femme : les sexes seraient les groupes catégorisés par ce système. Un des arguments pour utiliser ce sens est qu’il permet de ne pas penser le sexe comme purement naturel. Dans Les Cinq Sexes, Ann Fausto-Sterling met en lumière et réfute cette conception binaire du sexe. L’un des problèmes de cette définition du genre comme système est que, pour des théoriciens queers et trans, comme Sam Bourcier, cela invite à nier la plasticité des genres. Les genres ne sont pas figés mais en mouvance : ils peuvent être définis par leur fluidité, leurs réagencements possibles et des appropriations individuelles et collectives. Mettre au pluriel le mot, c’est insister sur la prolifération des expressions de genre et sur la multiplicité des configurations et des créations. On a besoin de ces genres au pluriel pour penser les identités singulières et collectives.

→ Il n’est pas question ici de trancher entre ces acceptions mais plutôt d’être conscient.e.s de ces différences qui induisent des champs disciplinaires et des épistémologies différentes. Le premier sens reste important à conserver puisqu’il permet  d’analyser les rapports de pouvoir au sein du genre en se basant sur la distinction entre genre et sexe assigné à la naissance. En revanche, son inconvénient est de naturaliser le sexe. Il n’y a pas d’unité dans les études de genre.

Les études de genre / études sur le genre / études genre :

Les études de genre connaissent un essor depuis une cinquantaine d’années, dont le développement s’est encore accéléré à partir du début des années 2000. Dans l’ouvrage Introduction aux études sur le genre, Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait et Anne Revillard dégagent 4 dimensions analytiques centrales au concept de genre : 

  • Le genre est une construction sociale, c’est-à-dire que les identités de genre ne sont pas déterminées biologiquement mais sont plutôt le résultat de processus sociaux qui varient à travers l’histoire et les sociétés.
  • Le genre est relationnel, une catégorie ne peut être étudiée sans penser sa relation avec une autre, à partir de laquelle elle a été définie. 
  • Le genre signale un rapport de pouvoir asymétrique, une hiérarchie entre les catégories. Les rapports de pouvoir sont multiformes, d’intensité variables, reconfigurés selon les époques et les espaces. La quasi-totalité des sociétés humaines présente une distribution inégale des ressources au profit des hommes. C’est ce qu’expriment les termes patriarcat, domination masculine et masculinité hégémonique. Le genre permet l’analyse d’un ordre normatif (comportements genrés, pratiques sexuelles). Le féminisme matérialiste s’appuie sur cette conception du genre comme rapport social d’oppression et d’exploitation.
  • Le genre est imbriqué dans d’autres rapports de pouvoir et peut difficilement être isolé des autres formes de domination que sont la classe sociale, la race, l’âge, la religion, la validité, etc. 

Le concept de genre se révèle être d’une grande efficacité épistémologique et politique.

Féminisme

« Pour faire simple, le féminisme est un mouvement qui vise à mettre fin au sexisme, à l’exploitation et à l’oppression sexistes. […] En pratique, c’est une définition qui implique que toute pensée ou action sexiste pose problème, et qu’il importe peu qu’elle vienne d’une femme ou d’un homme, d’un enfant ou d’un adulte. Elle est également suffisamment large pour inclure l’idée d’un sexisme institutionnalisé » et systémique. »

bell hooks, Tout le monde peut être féministe: une politique du coeur, Paris, Éditions Divergences, 2020, p. 13.

Translation

« Simply put, feminism is a movement to end sexism, sexist exploitation and oppression. […] Practically, it is a definition which implies that all sexist thnking and action is the problem, whether those who perpetuate it are female or male, child or adult. It is also broad enough to include an understanding of systemic institutionalized sexism. »

bell hooks, Feminism is for everybody: passionate politics, Cambridge, MA, South End Press, 2000, p. 11.

« Le féminisme vise l’égalité des sexes. Il dénonce le sexisme en tant que système de disqualification des femmes et l’ordre sexué dont le patriarcat constitue la forme la plus aboutie. Il défend l’émancipation et les droits des femmes. […] La diversité des mouvements sociaux et politiques féministes appelle donc plutôt le pluriel. Les féminismes se sont dotésd’analyses théoriques et empiriques pour expliciter les inégalités entre les sexes. […] Ces réfléxions montrent que la question féministe n’est pas une revendication catégorielle mais bien une dimension incontournable de l’égalitarisme. »

Périvier Hélène et Piketty Thomas, L’économie féministe: pourquoi la science économique a besoin du féminisme et vice versa, Paris, SciencesPo les presses, 2020, p. 14.

Masculinité(s)

Texte à venir.